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Carnets de voyage [19] - Tunisien de l'Etranger vs Tunisien du Bled
Par Aida Cherif :
Les voyages, l’émigration, l’exode et le déplacement entre les pays, sont des pratiques très vieilles et très anciennes, cela fait presque partie de l’histoire du monde et de la terre.
De tout temps, des hommes et des femmes se sont déplacés d’une contrée vers une autre, pour fuir des conditions de vie insupportables ou juste à la recherche du meilleur...
Cette tradition du voyage ou de changement de lieu de résidence, s’est perpétuée à travers les siècles et cela est toujours d’actualité : ils existent toujours des guerres que les gens fuient, les conflits divers, la misère, le manque de liberté etc.
Le Tunisien comme n’importe quel autre citoyen du monde a été lui aussi amené à voyager et changer de vie, ailleurs sous d’autres cieux autres que ceux de la Tunisie. Les Tunisiens de l’extérieur se comptent par milliers, ce sont en général des personnes qui partent pour améliorer leurs conditions de vie, sinon des jeunes qui partent pour leurs études et beaucoup ne reviennent jamais pour se réinstaller au bled comme on dit.
Les Tunisiens partis depuis les années 60, au moment où la France se construisait, n’ont jamais coupé les ponts avec la Tunisie, ceux là ont opté pour fonder leurs familles sur place, tant bien que mal, ils ont pu se frayer un bout de vie, leurs enfants ont pu accéder aux écoles, malgré tous les aléas d’une mauvaise intégration et du système français qui n’a jamais su gérer l’affluence des émigrés surtout arabes ou maghrébins, on se retrouve avec une 2ème voir 3ème génération de jeunes émigrés ou Français issus de l’émigration, très rebelle, presque rejetée et en éternelle ébullition. Ces jeunes Tunisiens, ressentent comme une sorte de rejet dans leurs pays d’accueil ou pays de naissance et sont carrément repoussés par leur pays d’origine.
Pourtant ces jeunes n’ont rien de différent avec la jeunesse tunisienne actuelle, leurs parents non plus, ce sont des personnes qui veulent voir le meilleur dans leur pays d’origine qu’ils visitent de plus en plus depuis quelques années, ce sont des familles, qui ont travaillé dur pour acheter le terrain ou la maison pour en faire un pied à terre sur la terre des ancêtres, afin de ne jamais couper les liens ni les ponts entre eux et les leurs restés au bled, ces gens là font beaucoup d’effort pour ne pas être dépaysés quand ils rentrent l’été en Tunisie et n’ont jamais renié leur origine malgré tous les déboires qu’ils ont dû subir durant leur vie en terre d’accueil .
Il y a encore 20 ans ces Tunisiens de l’Etranger ambitionnaient de pouvoir, un jour, à leur retraite, rentrer définitivement et s’installer au bled et y finir leurs jours parmi les leurs, je crois que cette ambition à tendance à diminuer au fur et à mesure que leurs enfants se sentent étrangers en terre ancestrale, du moins c’est ce que je comprends quand je discute avec des connaissances ici même en France ou l’été en Tunisie surtout pendant la traversée Tunis - Marseille en bateau .
La majorité pour ne pas dire tous les Tunisiens qui font la traversée avec nous, critiquent et contestent les mêmes choses que nous, toutes les classes confondues, les cultivés, les instruits, les retraités et les jeunes, sont d’accord pour dire que cela devient de plus en plus difficile de passer ses vacances ou séjourner plus d’un mois en Tunisie.
L’on vous donne l’impression que vous êtes exigeant, parce que vous critiquez trop, vous observez un peu trop et vous êtes scandalisé, devant des scènes de la vie, qui ,pour eux nos compatriotes de là bas, sont ordinaires et normales, on nous méprise et on nous manifeste une certaine hostilité juste parce qu’on parle un peu plus le Français que l’Arabe ou juste parce qu’on est en vacances et qu’on veuille nous amuser et prendre du bon temps.
Gare à celui qui s’aventure à faire des comparaisons entre ici et là bas, oh lala !!! Cela risque de partir en cacahuète, alors que l’intention est bonne, bref, le Tunisien de l’Etranger est lui aussi entre deux enfers, il n’est pas Français pour les Français et n’est pas non plus tunisien pour les Tunisiens, il est sans identité, pourtant il a tout fait pour garder celle de ses origines et tout fait pour bien se mettre dans sa nouvelle identité, mais que dire, ces gens là seront toujours exclus et d’ici et de là bas quoi qu’il fasse. Leur double culture est censée être un enrichissement, un plus indéniable qui doit leur servir et en terre d’accueil et en terre d’origine, mais bon, c’est un vaste sujet très épineux d’ailleurs, car les responsables sont nombreux des deux côtés de la Méditerranée mais chacun rejette la faute sur l’autre.
Le Tunisien de l’Etranger, qu’il réside en France, en Allemagne, en Belgique ou ailleurs, qu’il soit intellectuel, instruit et cultivé ou juste un simple travailleur ou encore un jeune né en terre d’accueil, il aura toujours la Tunisie au cœur et aura toujours cette idée d’y aller, d’y rester ou carrément d’y vivre, mais il faudra juste qu’il soit accepté par les Tunisiens tel qu’il est, avec sa seconde peau sa seconde culture et son esprit critique et son humeur râleuse.
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