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Carnets de voyage [17] - Qui est le Tunisien d'aujourd'hui ?

Par Aida Cherif :

surconsommation
Comme je l’ai déjà dit et redit dans mes autres volets, le Tunisien est un grand mélange, on ne peut le définir de façon précise, ce n’est pas seulement cet arabe musulman cloitré dans sa religion, ce n’est pas non plus cet africain se débattant contre la vie ni cet aristocrate ne sachant ce qui se passe autour de lui, le Tunisien c’est tout ça à la fois, il y a de tout dans un Tunisien et tout est partagé.

 

 

Le Tunisien d’aujourd’hui est déchiré entre plusieurs choses, il ne sait pas s’il doit se replier sur la religion et se laisser vivre, ou se révolter pour changer les choses ou encore gagner sa vie, prospérer sans tenir compte de ce qui se passe autour de lui, bref le Tunisien, aujourd’hui est dispersé, pas de ligne de conduite précise dans sa vie.

 

 

 

La Tunisie, de part sa situation géographique stratégique et de privilège, a toujours été un pays moderne, seulement ces vingt dernières années, les nouvelles technologies se sont rabattues sur ce pays de façon anarchique et surtout rapide, ce qui n’a pas permis au Tunisien de bien assimiler ce qui se passe dans le monde.

 

Autrefois, un Tunisien moyen savait faire la différence entre un produit de marque et une contre façon ou une imitation, aujourd’hui, avec la Chine qui inonde les marchés mondiaux et arabes surtout en produits d’imitation ou ce que l’on appelle en Occident les « produits jetables », le Tunisien ne sait plus faire la différence .

 

contrefaconIl se trouve qu’un jour, parce que mon fils s’est baigné avec son téléphone dans la poche de son maillot short, nous avons été mon mari et moi obligés de lui acheter un nouveau téléphone. Il est évident que nous allions pour acheter une marque, des marques connues en fabrication de téléphones portables, on nous a déconseillé les petits kiosques sur les rues commerçantes qui vendent des produits chinois, alors nous avons été dans un magasin spécial téléphonie mobile ,une espèce d’agence de Tunisie Télécom.

 

Nous avons trouvé ce que nous recherchons, seulement voilà, en ouvrant le téléphone pour installer la batterie et la carte Sim ou la puce, mon mari s’est aperçu que ce n’est pas la marque originale, nous avons le même appareil et nous avons vu la différence, d’ailleurs pour ne pas m’étaler encore sur le sujet, cet appareil ,que nous venons d’acheter, est tombé en panne deux jours après l’achat, nous avons été au même magasin ou agence pour l’échanger et nous avons profité de l’occasion pour leur signaler que cet appareil est une imitation de la marque en question et que ce n’était pas l’original.

 

Le responsable de l’agence ne semblait pas dérangé par le problème et tout de suite, il a trouvé son argument de taille en nous disant « c’est normal, nous n’allons pas acheter l’original qui coûte deux fois plus que celui-ci et cela n’arrange pas nos affaires » et il rajouta : « Et puis les gens ne comprennent pas dans les marques mais optent toujours pour le moins cher » voilà qu’il a bien résumé la chose.

 

 

publicite_interactiveLe Tunisien d’aujourd’hui se laisse imposer même le produit qu’il doit acheter, et cela va de soi  sur d’autres plans, ce même Tunisien, comme il ne fabrique pas le téléphone ni d’autres objets qui sont indispensables pour sa consommation quotidienne, se trouve coincé entre le marteau et l’enclume, soit débourser une fortune pour avoir un produit fiable et garanti soit se contenter d’une imitation qu’il faudra changer tout le temps et donc dépenser autant d’argent que lorsqu’il achetait le produit fiable et l’original de la marque. Le Tunisien ne sait plus comment se comporter face à ce modernisme sauvage qui a envahi ce petit pays si rapidement. Longtemps, bercé par la tranquillité de la vie, l’assurance d’avoir de bons produit et à la portée de sa bourse, le Tunisien n’a pas été préparé pour affronter cette nouvelle vague  de modernisme face à laquelle, si  chacun n’impose pas ses choix et ne se définit pas  des lignes de conduite à respecter, il serait  dévoré et englouti dans un énorme cercle vicieux duquel il serait difficile de sortir.

 

Le Tunisien est devenu un grand consommateur de produits qu’il ne fabrique pas, certes, les tentations, à travers toutes les formes de médias, sont omniprésentes mais il revient à chacun de déterminer ses besoins, ses volontés et ce, selon sa bourse.

 

Un jour, nous avons invité un couple d’amis de longue date, tous les étés, pendant notre séjour en Tunisie, il leur est impossible de nous voir parce qu’ils ont des occupations et ne peuvent pas se libérer pour nous voir, en réalité, ils ne prennent pas leur congé l’été, car, de toutes les façons, ils ne partent nulle part pour passer des vacances et n’ont même pas les moyens pour se les offrir.

 

Ils ont fini par venir , et nous avons passé du bon temps à se remémorer nos souvenirs de jeunesse, nos sorties etc. et en voulant savoir un peu plus sur leur vie en général, nous avons appris qu’ils sont endettés, un crédit pour avoir construit une grande baraque, un crédit pour la voiture, un autre crédit, en complément, pour acheter un appartement et le mettre en location (pour assurer une rente pour leurs vieux jours) et je fus estomaquée en sachant qu’ils se sont endettés pour meubler la maison, les rideaux,  le frigo congélo etc. et dernier crédit à la consommation c’est pour passer une semaine all inclusive dans un hôtel au sud de la Tunisie. Je leur ai demandé, s’il leur restait de quoi manger tout le mois, car parait il, leurs salaires partent avant même qu’ils ne les voient. Quand j’ai demandé le pourquoi de cet endettement et qu’ils auraient pu faire les choses doucement selon leur moyens du moment, la réponse de la femme fut inattendue car c’est une femme que je connais assez bien, assez sensée et raisonnable mais sa façon de m’expliquer les choses et d’argumenter ses crédit ne m’a pas plu du tout, en réalité nos amis se sont fait engloutir dans cette machine infernale du paraître et du matérialisme à outrance.

 

Pour eux, il fallait vivre dans le même standing que leur proche qui était riche et aisé, il fallait avoir tout ce qu’il faut : le nécessaire et l’accessoire ou secondaire mais tout avoir pour rivaliser et concurrencer le voisin, le cousin et le collègue.

 

Pour revenir au Tunisien, en  conclusion, celui-ci, ne se soucie guère de son bien-être car il ne vit que pour les autres ou à travers eux, il faut avoir le téléphone portable dernier cri, la bagnole toutes options, la villa bien équipée et partir dans un hôtel bien quotté, juste pour raconter ou se montrer, il s’endette juste pour son paraître peu importe s’il souffre tous les mois en voyant son salaire partir à droite et à gauche pour boucher les trous des crédits divers et multipliés.

 

endettement-dette
Vivre dans le confort et la prospérité, c’est l’ambition et le rêve de tous mais le Tunisien doit comprendre qu’il doit tempérer  ses ambitions, car la qualité de la vie est aussi importante, les gens endettés ne sont pas heureux ni reposés, n’arrivent pas à savourer le confort pour lequel ils se sont endettés et le temps que le paiement de ses crédits  se termine, ils sont à la retraite et font face à une nouvelle vie de retraité où la grande baraque devient un lourd fardeau à porter.

 

Je trouve, vraiment, décevant que de voir des personnes que j’ai connues, il y a longtemps, qui étaient des gens avec des objectifs et des ambitions nobles, se transforment en bête de la   consommation du bon et du mauvais sans faire fonctionner leurs méninges ni s’établir une liste de priorités dans leur vie afin de pouvoir vivre chaque chose en son temps et surtout vivre les différentes étapes de leur vie correctement .

 

Le Tunisien d’aujourd’hui se bafoue lui-même, se gâche la vie sans se rendre compte et se contente d’imiter, d’envier, de jalouser, il ne pense pas à une vie autre, une vie où le présent doit compter autant que l’avenir et où les apparences ne devraient pas accaparer son quotidien.

 

On ne vit qu’une seule fois, alors il serait préférable de  vivre pour soi  en faisant les choses parce qu’on les veut et on les souhaite et non pas les faire juste pour faire comme les autres.

 

 

 

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