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Carnets de voyage [12] - Cafés chantant & dansant en Ramadan

Par Aida Cherif :

cabaret-tunis
Cela fait presque douze ans que je n’ai pas passé un seul jour de ramadan en Tunisie, cette année j’ai passé 12 jours, un jour par année manquée. Le ramadan dans un pays musulman est tout autre, c’est tout un mode de vie qui change, des mœurs qui se métamorphosent et des rituels, absents durant l’année,  refont surface .

 

 

Avant, dans les années 90s, alors que je vivais encore en Tunisie, je me rappelle des soirées ramadanesques, ce sont surtout des soirées, quand elles ne sont pas axées sur le côté religieux, eh bien c’est focalisé sur le côté culturel, avec le festival de la médina et d’autres soirées organisées pour la collecte de fonds pour les démunis et nécessiteux.  Il m’est arrivé d’assister à ce genre de soirées et cela était très bien car on y faisait des rencontres intéressantes et enrichissantes...

 

 

 

Cette année, je voulais profiter de ma présence en Tunisie pendant le mois saint et voir ce qui se fait en soirées spéciales ramadan, je fus étonnée par tant de programmation, le festival de la médina est toujours là avec le théâtre, le chant et les ballets venus d’ailleurs mais à côté de cela des soirées dans presque tous les hôtels de la capitale et sa banlieue nord, des hôtels où, en plus de la soirée programmée,  il y a  à l’affiche des dîners  en rupture du jeûne, j’avoue que cela m’a parue  bizarre au début car j’imagine mal une famille sortir de chez elle pour aller se goinfrer dans un resto au mois de ramadan, et je suis certaine que pour beaucoup cela est aussi bizarre car qui dit ramadan dit réunion familiale autour d’une même table bien garnie avec les plats variés et mets soigneusement préparés par les femmes qui y passent des longs moments, et qu’on savoure tout au long de la soirée .

 

Mon étonnement ne s’arrêta pas là , nous avons été invités mon mari et moi par ses anciens camarades de scouts tunisiens, ce fut un moment très attendu pour mon mari afin de retrouver ses amis de jeunesse, nous avons été dans un café qui, jadis, fut une grande maison de notable à Sidi Bou Saïd sur trois niveaux. Le café a une terrasse bien aménagée avec une magnifique vue sur la côte ou la baie de Carthage. Au premier étage, une troupe musicale très bruyante, mezoued etc., sur notre terrasse, une autre troupe mais de musique orientale, du malouf et ce fut vraiment agréable car le son était bas et cela nous permettait de discuter sans avoir à hausser la voix.

 

Je venais juste de faire la remarque sur le volume bas de la musique et sa bienfaisance sur l’ambiance dans le café, que le chanteur démarra un couplet d’une chanson qui semble être connue de tous les présents et ,ô combien ils étaient nombreux quand ils se sont tous mis sur les tables et ont commencé à chanter avec lui, crier fort avec la sono qui a considérablement augmenté de volume, j’ai pas si bien fait de  remarquer la bonne ambiance calme et conviviale, ces gens l’ont gâchée et nous ont gâché les retrouvailles car nous étions les seuls à ne pas danser et encore assis à nos places et du coup le peu de brise ou air frais qu’il y avait ils nous l’ont coupé, cela est devenu trop chaotique, on dirait un cabaret ou un café chantant et dansant, cela existait par le passé mais seule la danseuse animait la soirée avec la troupe et le chanteur donc les spectateurs restaient assis et se contentaient d’applaudir .

 

Des pistes de danse s’improvisaient, des tabourets et des tables sont poussés de parts et d’autres, on y comprenait plus rien, nous étions assis à nos places mais on nous bousculait quand même, des femmes dansaient comme si elles fêtaient le mariage d’un proche parent, des hommes dansaient de façon très excitée, gigotaient leurs jambes et bras dans tous les sens, on les croirait sortis directement d’un asile de fous, le plus frappant ce sont les enfants qui accompagnent leurs parents, eux aussi se sont mis sur les tabourets et tables pour faire comme papa et maman. N’oublions pas dans ce grand brouhaha,  les serveuses et serveurs du café qui n’arrivent plus à livrer les commandes des clients et font un parcours très compliqué pour acheminer les boissons et les chichas .

 

Au départ, nous avons éclaté de rire tellement ce fut comique et rigolo mais après coup, nous avons réalisé ô combien la société tunisienne a changé,  bref si celui qui a bâti cette vieille demeure revenait de sa tombe et voyait ce qui s’y passe, il aurait regretté de l’avoir bâtie,  surtout que la demeure en question, si ce n’était pas devenue un café, elle aurait été classée monument historique et probablement aurait abrité des manifestations culturelles et artistiques de haut niveau et non pas des soirées vulgaires et qui de plus, n’ont rien à voir avec le mois saint.

 

Selon nos amis, ce genre de soirées sont identiques un peu partout dans les cafés et dans les hôtels qui mettent à l’affiche des chanteuses et chanteurs connus et que cela sera ainsi tant que ramadan débarque pendant la saison estivale. Je comprends très bien que les hôteliers, cafetiers et restaurateurs ont le droit d’exploiter au grand maximum la saison estivale pour rentabiliser leurs établissements, mais , de là à inciter les gens à la débauche même pendant le mois saint de ramadan, cela est abusé, ils devraient exiger un minimum de retenue et surtout des tenues correctes car ce que j’ai vu comme accoutrement pendant cette soirée c’est honteux, entre la robe micro, le mini short et le décolleté profond, on se croirait dans ces boîtes de nuit mal fréquentées. En somme ils ne manquaient  sur les tables de ces gens que les bouteilles de vodka et de whisky.

 

 

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