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Entretien avec un salafiste (1)
Par Faten Chabir :
C'était le 14 janvier 2012, à l'avenue Habib Bourguiba. La rue était pleine à craquer, on en voyait de toutes les couleurs : ceux qui manifestent, ceux qui fêtent, ceux qui contestent, ceux qui supportent, ceux qui rappellent, ceux qui font les curieux et surtout ceux qui font leur show...
Ce fut une journée mouvementée, pleine d'émotions en négociations contradictoires. Prise au piège de ce "vacarme", je me devais de réagir ! C'est ainsi que je ne me suis pas privée de discussions et d'échanges avec des gens qui m'étaient totalement étranges, dont l'idéologie pouvait nous réunir ou nous séparer, et que probablement je ne reverrais plus jamais. Certes, l'échange était fructif... Je vous en parlerais peut être un autre jour.
En paparazzi, je n'arrêtai de dénicher les moments les plus fort de cette journée, et c'est là que ma nature de curieuse invétérée a repris surface et je me suis approchée.
Un groupe de jeunes hommes, bien vêtus, rien de plus normal, qui représentait -physiquement- bien la jeunesse tunisienne. En fait, ce qui a suscité ma curiosité c'était un fameux drapeau noir, avec une écriture en blanc : symbole du califat -
الخلافة
En m'efforçant de sourire, je les ai salués (ils ont répondu de même). Je ne vous le cache pas, j'étais prise de panique, mon coeur battait de l'aile, croyant qu'il allait s'arrêter. Je ne sais pas comment expliquer ce sentiement qui m'a envahi: un mélange de curiosité, une envie de comprendre, de pénétrer un peu ce monde "ténébreux" et mystérieux... Ces jeunes hommes qui avaient l'air tellement "normaux", ils n'étaient même pas barbus, habillés correctement, mais qui à la main de l'un d'entre eux, il y avait ce fameux bout de baton garni d'un tissu sombre qui n'avait rien de familier -pour moi- fille musulmane et tunisienne, que la signification de la phrase blanche (لا إله إلا الله محمد رسول الله ).
-Expression oblige-, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai foncé. Qu'adviendra t-il ? Qu'est ce qui pourrait bien m'arriver? Qu'est ce qu'ils pourraient bien me faire? Ils ne sont pas moins croyants que moi, après tout nous sommes unis par la même identité, il n'y a que l'idéologie qui nous sépare.
J'ai demandé si je pouvais les filmer, tout le monde était d'accord sauf un. Alors par respect, j'ai baissé l'appareil. Ironiquement, figurez vous, que quand j'ai commencé à parler avec eux, e jeune homme (que je vais appeler H) qui m'avait interdit de le filmer essayait de monoploiser peu à peu la parole de ses confrères, pour me retrouver finalement à un entretien entre lui et moi.
Quand j'ai remarqué que H avait tellement besoin de parler, d'extérioriser, et se justifier devant cette société qui les ignore, les attaque et ne les comprend pas, j'ai décidé de profiter de l'occasion et de poser mes questions.
A vrai dire, j'ai dû me glisser dans une autre peau, jouer le rôle d'une infiltrée, j'ai fait comme si je ne savais ni de qui ni de quoi il s'agissait (sympatisants ou plus encore adhérants du parti (non légitime) salafiste, Ettahrir.
Pour commencer je les ai questionné sur la raison de leur présence en ce jour et à cette place symbolique. Et c'est d'une manière assez agressive -qu'il tentait de cacher derrière un sourire forcé- qu'il me lance "Je suis venu fêter la révolution AVEC mon drapeau à la main". Alors, pour détendre un peu l'atmosphère, et pouvoir aller plus loin dans la discussion, je me suis mise à m'expliquer dans le sens où j'avais remarqué que chaque personne ici sur place est venue pour une raison bien particulière, certains pour célébrer le 14 Janvier, d'autres qui appellent à une deuxième révolution, certains pour manifester et rappeler les droits des martyrs, d'autres pour soutenir le gouvernement etc. Chose qui m'a permis d'entrer dans le vif du sujet. Et je ne sais par quel miracle j'ai pu déclancher ça mais H a commencé à se confier...
Entretien avec un salafiste : Partie 2
par Faten Chabir