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Ma Mésaventure avec le Mariage
Hadil Khazri
A l’heure du confinement, le fait de rester à la maison ne m’a pas rendue ni plus épanouie ni moins sceptique vis- à vis- du comportement de mon mari qui n’épargnait pas son répertoire langagier grossier pour me faire comprendre que mes cheveux, ma coiffure et tout ce que j’ai réalisé et étudié n’ont jamais été à la hauteur de sa majesté ni des attentes qu’il se fait de sa future conjointe, et que notre union représente le point noir de toute sa vie sans jamais cacher son envie de me remplacer par une autre associée ou maîtresse , peu importe la terminologie.
L’essentiel c’est qu’il désire tourner la page mais hélas c’est impossible pour le moment non pas parce qu’il veut réfléchir à notre relation puisque « le mal est fait », mais à cause de la fermeture temporaire des tribunaux. Et puisque nous vivons actuellement sous le même toit, ma situation juridique actuelle m’oblige d’accepter les torts et les incohérences de l’homme qui veut me divorcer et qui a usé de toutes ses armes pour me convaincre que je suis une femme désagréable.
Mais comme on est à l’heure du Coronavirus, cet individu soi-disant cultivé- comme il est architecte de formation- use de ma présence comme sa femme de ménage ou cheffe de cuisine en me forçant à lui préparer des fricassés, " hlalem " et " bouza " quotidiennement. Comme il est fils unique et ayant été assez gâté par sa mère matériellement, il conduisait une voiture depuis ses 18 ans. N’ayant jamais eu de goût prononcé pour la cuisine occidentale, il a bien su profiter de l’amour de sa mère pour tout demander et ne rien donner en contrepartie.
Cher lecteur, j’ai oublié de vous dire que cet homme me considère aussi comme son amante, d’ailleurs les films pornographiques le transformant en créature infecte et insupportable, essayant les nouvelles tendances sexuelles observées ailleurs sur le corps de sa propre femme.
Malheureusement, cette forme de viol camouflé est tolérée par la loi puisque le code pénal tunisien ne prohibe pas les crimes sexuels commis par le mari. Alors beaucoup trouvent dans l’humiliation une excellente source pour satisfaire leurs besoins sadiques, et c’est effectivement le cas de mon très cher époux qui tentait avec un ton provocateur de dévaloriser mes hobbies et mes activités exercées pendant cette période jugée délicate.
Quand je prenais un cappuccino sur un fond de Wadii Essafi, mon chanteur préféré, ce moment de détente devient son objet de moqueries car il se mettait à m’expliquer que les femmes branchées appartenant à son entourage sont des fidèles consommatrices de la musique américaine et qu’être fan de la musique orientale est une bonne preuve que je ne veux plus m’adapter à son mode de vie et finit par me traiter de « gdima », sachant que je n’ai rien contre la musique américaine que je trouve d’ailleurs fantastique. Mais c’était mon goût et j’ai le droit d’être confinée en toute sécurité sans subir des insultes ou des jugements de valeur à cause de mes appartenances culturelles, politiques ou anthropologiques.
Au temps du confinement alors que tout est fermé, des sociétés pharmaceutiques et des laboratoires de recherche sont en train de développer un traitement pour lutter contre le Coronavirus, mais n’est-il pas déjà temps de trouver un remède pour la violence exercée contre les femmes y compris leur exploitation sexuelle ?
La Chine, l’Amérique et toutes les sociétés savantes suscitant l’admiration de mon très cher mari sont en train d’adopter des mesures visant à la consécration des droits de la femme durant cette pandémie ce qui prouve la place privilégiée de ces créatures gâtées au sein de ces endroits même pendant les périodes de crises.
Mais lorsqu’on s’attache principalement à l’aspect superficiel de la civilisation sans prendre la peine de penser à l’évolution historique de ces nations voici un petit échantillon de ce qu’on peut obtenir : Un mari ouvert sur l’occident, parlant plusieurs langues étrangères, buvant du Johnnie Walker, voyageant plusieurs fois par an, un vrai passionné de culture française et qui n’a jamais fait une réflexion sur la fraternité, l’égalité et tous ces nobles principes constituant le produit le plus précieux de la révolution de 1789 qui a inspiré les générations antérieures pendant des centaines d’années et présentant le noyau dur de la philosophie des droits humains !
D’ailleurs, la question des libertés a présenté la cerise sur le gâteau dans la personnalité de mon conjoint lors de ces échanges nocturnes assez tardifs avec les contacts féminins depuis une ligne téléphonique réservée pour cette « noble mission » voire « sacrée » sans avoir pensé à entamer une conversation du même genre avec sa pauvre femme qui n’est autre que la principale victime de son hypocrisie sociale , et si je n’avais pas eu le courage de briser les tabous auparavant ce n’est pas seulement parce qu’on est à l’heure du coronavirus, mais le plutôt parce que le fait d’être l’épouse d’un architecte et ne pas avoir réussi à obtenir mon bac à plusieurs reprises m’a fait sentir que je suis une femme vulnérable et incomplète. Ce qui rend les choses encore pires, c’est que pendant le confinement, le caractère de mon mari devient de plus en plus sévère. Et si avant le Covid il trouvait dans ses escapades en dehors de la maison un excellent moyen d’évasion voire une échappatoire, maintenant, il se trouve nez- à -nez avec une femme qu’il n’aime pas et qui n’est pour lui qu’une vitrine sociale tout en voulant prouver à son entourage familial que malgré l’élégance et l’ouverture d’esprit, il a hérite de la mentalité de son père en épousant une femme dépourvue de toute indépendance financière et sociale ce qui rend facile voire évidente sa manipulation.
Là notre relation a pris une autre phase puisque si je me suis permis de demander la séparation. Effet, auparavant j’ai subi une sorte de lavage de cerveau sans le savoir. J’étais éloignée de toutes activités qui ne plaisent pas mon mari ; je ne sors que pour faire les courses, je porte que les vêtements en harmonie avec son goût, je ne lis que les livres qu’il sélectionne pour moi. Cette forme de distanciation sociale permanente m’a fait croire que le fait de pardonner les caprices et les infidélités de mon mari n’entre pas dans le cadre des concessions mais des sacrifices menés par une femme fidèle aimant son mari et ne voulant pas mettre fin à leur union coûte que coûte.
Tout en décidant de demander le divorce, je commençais à saisir à quel point les idées reçues peuvent affecter notre avenir tout en acceptant la violence et de se baigner dans la tristesse pour ne pas acquérir le statut d’une femme divorcée et ne pas commencer à zéro après avoir vécu une vie disons confortable avec un homme cultivé appartenant à la moyenne bourgeoisie.
Un homme qui ne me respecte pas et ne m’apprécie pas et dont l’absence des sentiments au sein de la vie conjugale ne se voit pas à travers un coup de pieds ou une gifle mais c’est beaucoup plus profond et douloureux qu’on peut le ressentir à travers la marginalisation systématique de notre personnalité. D’ailleurs, on m’interdit de formuler un avis sur tout ce qui se passe dans le monde à commencer par la météorologie finissant par le Corona virus.
Ses propos acerbes sur mon passé, il les profère avec la violence et humiliation, en me rappelant à chaque fois que je n’ai pas le droit de demander le divorce ni de me révolter contre son pouvoir despotique vu mes origines et la famille assez conservatrice dans laquelle j’ai grandi et qui n’avait aucun respect pour les filles ni pour leurs ambitions de devenir quelque chose dans la société.
A ses yeux, mon tort est que la vie ne m’a pas offert l’atmosphère financière et sociale favorisant mon progrès personnel et mon épanouissement psychologique. C’est sa manière détournée de me rappeler que ça sera de l’ingratitude que d’oublier tout ce qu’il a fait pour moi et demander la séparation de l’âme charitable qui m’a sauvée d’un milieu familial qui a trouvé dans le mariage un bon moyen pour ne plus financer mes études et pour ne plus se préoccuper de mon avenir qui n’a jamais été leur centre de d’intérêt.
A la fin de cette histoire, pas assez gaie je l’avoue, le but de raconter ma mésaventure avec le mariage n’est pas d’inciter les femmes a détester leurs conjoints ni de leur inculquer une culture basée sur le refus de l’autre, mais tout simplement de les encourager à être fortes et lutter pour obtenir leurs droits jusqu’à la dernière minute.
Mon expérience avec le mariage était dure à cause du comportement de mon mari qui peut un jour changer et comprendre qu’il a délaissé derrière lui une femme prête à tout donner rien que pour rester à ses côtés et réussir à lui plaire ce qui a été une mission impossible à cause de l’incompatibilité de culture et de tempérament. Ce que j’ai goûté durant le confinement (la violence psychologique) ne m’a pas poussée à détester mon mari mais de m’aimer encore plus et de foncer à choisir un destin qui me convient, un destin fondé sur le respect et la prospérité, un destin pouvant m’offrir la sécurité que je n’ai pas su trouver ni dans le foyer conjugal ni au sein de ma famille.
Réflexions par : Hadil Khazri