Interview avec Aida Cherif : pourquoi j'ai rejoint l'UPR

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Aida Cherif, chroniqueuse amie de Tounsia 4Ever, a prôné les valeurs de la citoyenneté bien avant le 14 janvier 2011, son carnet de voyages de l'année dernière témoigne d'une réflexion profonde et d'une observation critique de la société tunisienne.



Avec le vent de liberté qui souffle sur la Tunisie depuis quelques mois, Aida Cherif a voulu faire profiter son expérience en tant que citoyenne, à un parti politique, l'Union Populaire Républicaine (الإتحاد الشعبي الجمهوري). Un parti plutôt discret mais non moins présent sur le terrain. Rejoindre un parti politique après des années de militantisme dans la société civile, n'est pas un hasard. Nous avons voulu en savoir plus...

 

 

 

1 / Aida Cherif, nos lecteurs et lectrices sont curieux de découvrir votre profil et parcours en tant que citoyenne active

Dans les années 90s, je vivais encore en Tunisie, je travaillais, mariée avec un enfant, je sentais à l’époque comme une sorte d’oppression, nous n’avions pas le droit de parler de certaines choses, ni critiquer ouvertement certains agissements de hauts responsables ou des gouvernants de l’époque, je travaillais dans le milieu diplomatique, j’avais accès à certaines informations presque confidentielles et cela me rendait encore plus consciente du système qui se mettait en place peu à peu,  une sorte de rage et de rébellion  s’est développée en moi, j’étais surveillée et presque persécutée au quotidien depuis un an quand mon mari a décidé que nous quittions la Tunisie pour nous installer en France, j’avais eu ce pincement au cœur mais au même temps un espoir et des horizons se sont ouverts devant mon chemin .

 

En arrivant en France en 1998, je n’ai jamais pu me sentir chez moi, je me comportais toujours comme si j’étais en vacances et qu’un jour je rentrerais, et sur cette idée  je me suis mise à fouiller sur le net tout ce qui a rapport avec mon pays, je ne manquais jamais d’aller sur les blogs anti-dictature, anti-ben ali et son régime tortionnaire pour y poster, commenter et rédiger à mon tour tout ce que je savais depuis les années 90s, pendant les années 2000, les choses se sont gâtées, la pourriture sentait fort et rares sont ceux qui arrivaient à en parler ouvertement sans se faire attraper par la suite d’une manière ou d’une autre, même en France nous étions persécutés, nos blogs  détruits, nos comptes piratés et certains d’entre nous se sont même fait tabasser dans les rues parisiennes .

 

 

censure-internet-tunisieC’est à partir de là que mon militantisme s’est développé, je m’informais sur mon pays de façon quotidienne,  en 2004 lors des mascarades élections bénalienne j’avais été médusée par tant de passivité populaire, aucun signe de révolte, aucun signe de refus ou réticence, une jeunesse endormie, une classe ouvrière muselée, une classe politique inexistante ou rare mais persécutée, c’est en 2008 que mes espoirs ont rebondit  à nouveau avec les événements sanglants du bassin minier, là je me suis dit ça y est c’est maintenant où jamais, eh non ce fut une grosse fausse alerte et la plus grosse déception de ma vie, en 2009 des voix libres commencèrent à s’élever ici et là, la censure a battu tous les records et le musellement  est devenu l’outil principal de ce système  dictatorial qui a trouvé ses sources  au sein même du peuple, un peuple qui  s’est habitué à la peur du policier, du supérieur hiérarchique etc, la culture de la peur en Tunisie a été le seul soutien au système Ben Ali  et au système rcdiste. Ma haine grandissait en moi et ma révolte m’aveuglait, j’ai pris des risques énormes à chaque fois que j’écrivais avec mon patronyme, j’ai de la famille en Tunisie qui pouvait subir les conséquences de mes folies comme certains me l’ont dit, ma famille ici en France n’a jamais cessé de me remonter les bretelles,  mes passages par la police des frontières tunisiennes,  chaque mois de juillet, étaient des calvaires et pour moi et pour mon mari, mais bon on en est bien loin aujourd’hui et Ma Tunisie m’est revenue .

 

Après toutes ces années de cyber-militantisme, je me suis formée en quelques sortes en la politique de mon pays, je connais les maux qui ont fait que la situation dégénère, l’étoffe sociale tunisienne je la connais presque très bien avec toutes ses mutations durant ces dernières décennies comme si je n’ai jamais quitté ma patrie et je crois que c’est le motif principale qui m’a poussé à vouloir matérialiser mon militantisme, à le concrétiser sur terrain en adhérant à un parti politique et pourquoi pas candidater pour représenter mes compatriote en France. Je voulais également faire profiter l’UPR et à travers ce parti mon pays de mes années d’expériences dans le milieu associatif qui est très développé en France et constitue pratiquement une force solide face aux politiques.

 

L’Union Populaire Républicaine ne fut pas un choix hasardeux ou irréfléchi, j’ai lu et écouté les débats et décortiqué presque tous les partis politiques existant sur la scène, les anciens de l’opposition comme les nouveaux post-révolution, aucun parti ne m’a interpellée ni attiré mon attention car tous n’ont fait que répéter les slogans divers que les jeunes ont scandé peu avant le 14 et après le 14 janvier, certains partis sont tellement tombés dans un populisme exacerbant qu’on se demande que vont-ils apporter comme solution pour sauver le pays s’ils s’amusent ainsi à suivre à droite et à gauche tout ce que les gens scandent dans les rues tunisiennes .

 

Il faut comprendre qu’en cette phase cruciale de l’histoire de la Tunisie, nous sommes tous concernés par les affaires du pays, les politiques en premier certes mais la société civile et les citoyens sont eux aussi  les plus concernés , d’ailleurs l’une des valeurs et des points essentiels du programme de l’UPR c’est la démocratie participative, cela veut dire que  le peuple  et la société civile (quand elle est diversifiée, riche et solide)d oivent être consultés à chaque fois qu’une grande décision doit être prise et cela,  c’est l’essence même de la démocratie.

 

 

2 / La devise de l'UPR en quelques mots ?


UNIR POUR REUSSIR est le slogan de l’UPR.

 

L’union Populaire Républicaine est un parti Tunisien qui milite pour instaurer le principe de la république, ancrer l’exercice de la citoyenneté et instaurer l’égalité des chances pour une Tunisie ouverte, entreprenante et ingénieuse.

 

 

 

3 / D'après votre expérience, quels sont les atouts de l'Union Populaire Républicaine ?


Pour moi personnellement, l’UPR est le parti de l’avenir, il est certes petit aujourd’hui mais avec ses idées  et la démocratie qui existe déjà au sein même du parti (concertation et consultation sur toutes les questions entre le secrétaire général du parti et tous les membres du parti, les décisions sont prises après accord de tout le monde) et son programme pragmatique (des projets réalistes et des idées innovantes avec des solutions visibles et réalisables sur terrain), c’est un parti très proche du peuple et ses fondateurs ainsi que ses membres et dirigeants connaissent la réalité du terrain et connaissent les vrais maux de la Tunisie,  il sera un grand et fort parti demain, c’est pourquoi j’y suis et j’y resterais.

 

 

4 / A quel point l'UPR collabore avec la société civile et l'initiative citoyenne ?


Ce petit parti, avec des moyens financiers très limités et loin de la médiatisation outrancière de certains autres partis qui ont privilégié investir des fortunes dans les spots publicitaires et affichages divers,  a préféré s'appuyer sur la société civile et ses forces vives ainsi que sa jeunesse et marcher main dans la main avec des associations pour les aider à définir les besoins dans certaines régions et à  y développer leur programme : résultat des courses : 500 emploies créés du coté de Foussana . Les fondateurs et les différents membres de l’UPR,  avant d’intégrer le parti, ont été actifs dans la société civile et beaucoup ont participé dans des actions citoyennes, ils ont aussi milité contre la dictature  dans des structures syndicalistes ou associatives, ceci étant, l’UPR est une structure ouverte et au besoin,  des collaborations avec la société civile et dans le cadre de l’initiative citoyenne auront surement lieu c’est un parti du peuple  et pour le peuple donc forcément sera toujours très proche du peuple .

 

 

5 / Pensez-vous que l'UPR aurait dû rejoindre des coalitions, à l'instar du Pôle Démocratique Progressiste, en vue de se faire mieux connaître ?

Justement l’UPR ne cherche pas à être connu  en étant dans une coalition ou alliance cela n’étant pas l’objectif du parti, car, nous misons tous, sur une adhésion volontaire et une reconnaissance populaire, à travers son programme et ses projets pour la Tunisie nouvelle qui seraient  à même de convaincre une large partie du peuple tunisien,  au jour d’aujourd’hui, le peuple tunisien est bien éveillé et l’on ne peut  le duper encore une fois ni l’induire en erreur, c’est pourquoi l’UPR mise sur l’honnêteté, même si en politique cette qualité est rare et ne paie pas souvent, seulement, comme la Tunisie est un pays spécial et son peuple est un peuple qui a ses spécificités que l’on ne retrouve pas chez d’autres peuples, alors la politique en Tunisie se doit d’être spéciale, honnête  et sans esthétisme dont le peuple a longtemps souffert, aujourd’hui c’est l’heure de vérité et seuls les partis qui apporteront de vraies solutions concrètes et réalisables pour soulager les maux du peuple et du pays resteront au devant de la scène politique tunisienne et l’UPR se donnera les moyens nécessaires pour être au devant de la scène dans les années à venir et pendant la reconstruction du pays.

 

 

6 / Parlant du féminisme, pensez-vous que le Code du Statut Personnel a besoin d'être renforcé ? si oui, quels sont les aspects à développer ? Si non, existe-il des lignes rouges par rapport au référentiel religieux ?

« Les questions qui tuent », oui le CSP doit être renforcé, cela va de soi, on ne peut faire de démocratie ni bâtir une nouvelle Tunisie sans  se pencher sur les conditions de la moitié de la société, la femme, améliorer le CSP le sauvegarder et le consolider ne sont plus à négocier ni à discuter, ce sont des automatismes que l’on ne peut remettre en question, la femme tunisienne n’a plus à démontrer son rôle dans la société active, l’économie ni la politique du pays.

 

egalite-homme-femmePour l’UPR les améliorations à apporter au CSP concerneront principalement l’égalité au travail, l’héritage, l’autorité parentale mais surtout la mise en application effective de tous les acquis car jusque là ces acquis n’ont été là que pour instrumentaliser la cause de la femme et en faire le cheval de bataille pour jeter de la poudre aux yeux à tous les contestataires du régime Ben Ali,  et à servi aussi pour embellir l’image d’une dictature féroce, ni la femme ni l’homme en Tunisie n’avaient de droits, aujourd’hui tout cela va changer et je crois qu’avec l’UPR nous mettrons le doigt sur les vrais obstacles qui font que  beaucoup de ses droits ne sont pas accordés à la femme tunisienne malgré leur existence sur le CSP.  Je tiens à préciser, je suis une féministe mais pour moi les droits de la femme ne doivent pas êtres là pour empiéter ceux de l’homme ni pour réduire son statut social, les droits de la femme sont là pour la protéger, car, qu’on le veuille ou non, malgré l’ouverture de notre société et son émancipation en général, le sexisme et la discrimination existent toujours et dans toutes les classes sociales d’où cette insistance sur la mise en application effective de tous les acquis du CSP.

 

Pour moi, personnellement, il est indispensable de séparer le religieux du civil, et pour l’UPR le non interventionnisme de l’Etat dans le culte et la vie spirituelle figurent parmi les socles de ses valeurs, donc à partir de là tout ce qui touchera à l’amélioration du CSP sera considéré et étudié indépendamment de l’aspect religieux et que seules les lois civiles seront appliquées dans les intérêts propres de la femme  afin d’améliorer sa condition de citoyenne à part entière contribuant directement au développement de son pays et je pense qu’aucun retour en arrière ne sera possible ni pour la femme ni pour l’homme d’ailleurs .

 

 

7 / Au cas où l'UPR accède à l'Assemblée Constituante, pensez-vous qu'une entente avec des partis et des sensibilités différentes, est-elle possible ?

Pourquoi pas tant que le but final est  servir le pays et son peuple avec le plus de loyauté possible ; cela ne fera que renforcer les efforts et les consolider afin d’assurer une meilleure gestion des affaires du pays, de sa construction et de la restauration des institutions sinistrées par le système Ben Ali.

 

 

8 / Comment peut-on consacrer la culture citoyenne et l'égalité homme-femme, dans la famille même ? Votre mot à toutes les citoyennes et tout particulièrement aux mères et futures mères ?

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La culture citoyenne est une attitude, un comportement au quotidien, une éducation et un apprentissage à tout âge, il nous faut revenir à certaines valeurs morales dictées par nos ainés mais qui se perdent de plus en plus aujourd’hui malheureusement. L’école citoyenne doit commencer à la maison au sein même de la famille pour qu’elle puisse se propager  vers l’extérieur, le système éducatif est aussi à revisiter voire même à réformer totalement car c’est le pilier d’une société saine, équilibrée et homogène, nous avons beaucoup d’idées de projets dans ce sens mais je préfère ne rien en dire maintenant, pour revenir au sujet,  l’égalité homme-femme,  tout est là pour que les deux soient égaux face à la citoyenneté et rien ne peut empêcher cette réalité surtout dans le contexte actuel où  la femme n’a plus à prouver sa présence importante en tant que citoyenne à part entière et je suis très optimiste quand je vois que même dans les milieux conservateurs les hommes se sont faits à cette idées et même contraints agissent en fonction de cette évidence.

 

En résumé, après la révolution sociopolitique il faut qu’une révolution des mentalités ait lieu, l’une ne peut avancer sans l’autre, les mentalités doivent suivre  évoluer et outrepasser certaines mauvaises habitudes  et mauvais comportements sociaux qui nuisent à l’image du pays en entier, aujourd’hui la citoyenneté doit commencer devant la porte de la maison, chacun de nous est concerné par son quartier : sa propreté, sa sécurité et ses infrastructures. Savoir s’écouter entre citoyens et respecter les avis divergents est l’un des  signes forts d’une société saine et équilibrée, dénoncer les délits et les pratiques mafieuses et magouilleuses est un devoir de citoyen, s’impliquer dans la vie associative ou politique du pays là encore un autre devoir de citoyen,  contribuer dans des actions citoyennes et associatives ne ferait que renforcer et consolider les efforts de tous afin d’améliorer le vivre ensemble  dans une ville, un quartier ou un petit village.

 

A toutes mes concitoyennes, mamans ou non peu importe, soyez au devant de toutes les scènes , vous êtes le pilier sur lequel repose toute la société, vous êtes la force vive et active dehors et l’éducatrice , la fée du logis et la maman douce à la maison, c’est votre vie extérieure qui va améliorer votre travail de mère à la maison, oui mes concitoyennes être mère est un travail à plein temps et lourd de responsabilités :  c’est une mission à vie que vous vous devez de réussir par tous les moyens, vous faites tous les sacrifices pour donner à la société des générations saines  alors imposez vous et affirmez votre présence, soyez là  éveillées debout car aujourd’hui les enjeux sont de taille et les risques ne sont pas à écarter donc seule votre présence sur terrain fera barrage à toute tentative de retour en arrière.

 

 

Interview avec Aida Cherif : pourquoi j'ai rejoint l'UPR