Convention de la CEDAW : à prendre ou à laisser

CEDAW


Août 2011, alors que les Tunisiens aspiraient encore au changement et à une révolution, une réunion ministérielle du cabinet Beji Caïd Essebsi a enfin réagi aux pressions de la société civile féministe en s'exprimant sur l'avenir de la convention d'élimination de toutes formes de discriminations contre la femme (CEDAW).

 

Toutefois, la position était équivoque et il y avait un goût d'inachevé : le gouverment a adopté le projet de décret-loi, avec maintien de la déclaration générale qui met l'accent sur le respect des dispositions de la constitution tunisienne, en l'occurence, le premier chapitre de la constitution. Il était clair que le gouvernement sortant à l'époque ne souhaitait pas prendre une décision ferme et courageuse face à la mobilisation des conservateurs d'Ennahdh à la veille des élections d'octobre 2011. 

 

 

Aujourd'hui que la constitution et l'avenir de la Tunisie sont en train d'être dessinés, nous avons eu droit à une position officielle et sans équivoque émanant du ministre des affaires religieuses : «Nous sommes pour l'égalité et les pleins droits entre les hommes et les femmes. Mais, nous avons des réserves sur certains points inscrits dans cette convention, qui vont à l'encontre des dispositions du chapitre premier de la Constitution» et de rajouter : «La levée des réserves à la Cedaw est une atteinte flagrante à la souveraineté nationale, à la spécificité culturelle et aux valeurs de l'islam, notamment en ce qui concerne l'égalité dans l'héritage et le délai de viduité»  (transcription réalisée par nos confrères de Kapitalis)

 

Toujours selon la même source, nous avons appris que Selma Sarsout, la députée du parti Ennahdha, a déclaré : «Nous ne sommes pas contre les conventions internationales ratifiées par la Tunisie, mais nous refusons la levée, à l'insu du peuple, des réserves à la Cedaw».

 

Nous ne pouvons faire abstraction à la mauvaise interprétation, intentionnée ou non, de la convention du CEDAW qui ne plaît pas à tout le monde. Cette convention a été signée par la Tunisie depuis 1985 comme nombre d'autres conventions internationales et dès lors, la Tunisie comme tout autre pays est tenu à respecter son engagement. L'Etat est responsable de son adhésion à cette convention.

 

Parler d'ingérence et d'atteinte à la souveraineté nationale est d'autant plus absurde, sachant que cette convention n'a pas été imposée par un pays et donc une culture bien spécifique. La CEDAW est signée par des pays aussi différents culturellement les uns que les autres, dont le Maroc qui nous précède dans ce sens malgré que l'émancipation de la femme tunisienne a commencé plus tôt.

 

Il est vrai que les réserves ont été là depuis l'ère de Ben Ali, mais cela confirme juste l'hypocrise politique et la volonté des gouverneurs de plaire à tout le monde, aussi bien l'Occident que les défenseurs de l'identité arabo-musulmane. Pis encore, le gouvernement d'aujourd'hui considère que le peuple tout court n'acceptera pas la CEDAW sans réserves.

 

Au lieu de lancer un débat sérieux sur les vraies causes de discorde, surtout que les Islamistes ont des réserves par rapport à des points bien précis de cette convention (comme l'égalité dans l'héritage entre hommes et femmes), le parti de la Tunisie s'obstine à mettre tout le peuple dans le même sac et refuse d'admettre les points de vue adverses sans les taxer d'anti-islamiques et pro-colonialistes.

 

Nous voulons tout juste tirer l'attention sur des situations courantes où l'application stricte et systématique de la législation islamique (Chariâa) par rapport à l'héritage aurait été subtile. Combien de familles plaignent l'irresponsabilité du fils ou son inaptitude de gérer son patrimoine tandis que les femmes peinent et travaillent jour et nuit pour résister.

 

A bon entendeur.

 

Convention de la CEDAW : à prendre ou à laisser