Kathy Razouane nous parle de SOS Guengla
28 Juin 2010
"Il est de nos jours plus que nécessaire de communiquer à vos enfants certaines valeurs, entre autres, le respect de la nature. Ces femmes ont une noble mission qu’est l’éducation des enfants". Tel est le souhait de Kathy Razouane, qui a choisi de rejoindre la cause S.O.S Guengla et à y mettre toute son énergie et son savoir-faire.
Nous avons le plaisir de donner la parole à Kathy Razouane dans cet interview où elle nous en dit plus sur SOS Guengla, une cause verte aux racines assez méconnues, mais dont l'avenir s'annonce ambitieux. Nous vous souhaitons une bonne découverte !
Kathy Razouane, présentez-vous à nos lecteurs :
Je suis née à Menzel Bourguiba, j’y ai vécu jusqu’à l’âge de 20 ans. Je suis donc menzliya de naissance mais aussi de cœur puisque mes grands parents sont arrivés de Djerba dans les années 30-40 pour s’installer à Ferryville, ancienne appellation de Menzel Bourguiba sous le protectorat français. Nous y avons vécu jusqu’à 1989. Après, on s’est installé à Tunis pour des raisons familiales.
Sachez que Menzel Bourguiba est très mal connue par les Tunisiens parce qu’ils ignorent son histoire qui fut à une époque glorieuse; Menzel Bourguiba était surnommé Petit Paris pour la beauté du site. La commune de Guengla, rattachée à Menzel Bourguiba, est un "Poumon vert" pour toute une région. Un endroit à la beauté fascinante qu'il faut savoir préserver face aux ravages du déboisement. Cette région du nord est dotée de richesses naturelles extraordinaires.
Il est utile de savoir qu’il y a un groupe nommé Ferryville-Menzel Bourguiba qui regroupe tous les Ferryvillois et Menzeliens de diverses nationalités : Menzeliens, Français, Italiens et Belges.
Vous êtes responsable de "SOS Guengla", comment est né le groupe ?
S.O.S Guengla est né grâce à un groupe de personnes de Guengla, parmi eux Laith Ouertani, créateur du groupe, pour empêcher l’élagage sévère qui a été ordonné par la municipalité. Etant membre d’un groupe « Ferryville-Menzel Bourguiba », le message de cri de détresse exprimé par « S.O.S Gengla » est apparu sur mon mur ; C’est de cette façon que j’ai réussi à découvrir le groupe. Je n’ai pas réfléchi, j’ai toute suite adoptée la cause.
Il est utile de savoir que le parcours de santé de Guengla, lieu où s’est produit le ravage; date de plus de 100 ans, certains parlent de 15O ans ! Garnis de 358 Eucalyptus. Il est aussi utile de savoir que Menzel Bourguiba a hérité beaucoup de traditions françaises et même italiennes : tous les Vendredi et Samedi après midi, les autochtones et surtout ceux de Gengla ont coutume de faire de la marche à pieds. C’est une tradition toujours d’actualité. Le parcours est un patrimoine qui fait partie de l’histoire de Menzel Bourguiba. C’est ce qui explique en gros mon dévouement à cette cause.
Le groupe S.O.S Guengla reçoit régulièrement le soutien et les témoignages de sympathie de personnes originaires de la région qui se sont installés en Allemagne et en France, ourte des amis du Maroc, d’Algérie et même du Sénégal. Je fais essentiellement allusion à deux natifs de Menzel Bourguiba-Ferryville qui sont artistes peintres installés en France. Je cite particulièrement monsieur Paul Mayeur qui a fait un tableau en aquarelle inspiré d’une photo d’un eucalyptus élagué sauvagement. Ce tableau offert par Paul Mayeur a énormément inspiré la page de couverture de la vidéo et certainement des futurs supports communications. C’est devenu un élément principal de la charte graphique.
Le deuxieme, un artiste peintre ferrivillois, Michel Gelliberti qui ne cesse d’honorer Menzel bourguiba-Ferryville, sa ville natale et d’exprimer son amour à la région sur son son blog.
D'autres espaces verts menacées, à l'instar des forêts de Gammarth, peuvent-ils profiter de votre mobilisation ?
Effectivement, La cause de S.O.S Guengla est un groupe qui est né au départ pour défendre le parcours de santé de Guengla mais en observant les réactions des membres du groupe S.O.S Guengla et en lisant leurs témoignages postés sur le groupe, la décision de généraliser la cause sur tout le territoire national s’est naturellement imposée. SOS Guengla est devenue par la suite une cause nationale parce que ce massacre des eucalyptus touche tout le pays.
Actuellement , on s’intéresse à la forêt de Gammarth; selon les témoignages de certains membres du groupe, la forêt est menacée de disparaitre si l’on ne frêne pas les projets immobiliers. Le risque encouru est résumé par les propos d’un membre : "Bientôt on va entendre parler de Gammarth forêt I, II, III, …etc" Nous avons publié des photos du massacre pour sensibiliser les responsables et leur demander d’agir vite. Un lien est mis à leur disposition pour suggérer des solutions.
De part mon expérience en communication publicitaire, j’ai eu l’idée de lancer la cause comme si je lançais un nouveau concept sur le marché. Il fallait donc développer une identité visuelle pour lui attribuer une marque et des éléments identitaire afin de mieux communiquer la cause.
Un logo et des déclinaisons pour des supports communications ont été conçus grâce à un designer, Nejmeddine CHRIFI, administrateur du groupe S.O.S GUENGLA. Nous sommes fiers de le dire, nous avons fait participer tous les membres du groupe S.O.S Guengla pour le choix de la piste graphique.
Je suis émue de voir jour après jour naître les débuts d’une marque pour défendre une cause. Maintenant quand on me présente dans les événements live sur Facebook, on me présente ainsi : C’est Kathy de S.O.S Guengla, je vous avoue que c’est un bonheur pour moi de me coller cette identité car je savoure enfin le fruit de tous mes efforts.
S.O.S GUENGLA est devenue une marque qui aura un jour, j'espère, l’envergure de Greenpeace à l’échelle nationale. Notre but est de créer une marque de l’environnement à l’échelle nationale auxquelles les tunisiens peuvent s’identifier et surtout s’identifier aux valeurs qu’elle véhicule.
A l'heure actuelle, quels sont vos moyens pour sensibiliser les citoyens et les responsables ?
A l’heure actuelle, j’ai très peu de moyens, mis à part 4 personnes qui sont les administrateurs du groupe qui se sont portés volontaires pour mener à bien tous ce qu’on a réalisé. Comme moyens, un ordinateur, un abonnement internet que j’ « intercepte » chez mon frère, ma ligne téléphonique et ma voiture pour aller constater les dégâts et faire des photos, preuves pour témoigner des massacres.
Contrairement aux idées reçues, on peut faire des miracles avec du bon sens, de l’organisation et beaucoup de conviction. C’est ma devise qui a toujours payé. Bien que je ne suis pas totalement satisfaite du travail établi, mes efforts restent éparpillés et non encore bien réfléchi. Il est urgent pour nous de planifier les actions et recentrer tous les efforts pour une meilleur efficacité.
Je manque cruellement de volontaires qui voudraient s’impliquer et s’investir totalement mais aussi on manque cruellement de temps. J’ai beaucoup souffert ces derniers temps pour concilier travail, animation du groupe, etc . C’est un travail fastidieux, c’est un travail à plein temps. Croyez-moi, j’en ai payé de ma personne fatigue et lourds problèmes de santé.
Il est utile de signaler que c’est ma première expérience à titre publique. Tout ce que j’ai mené auparavant était d’ordre privé. J’ai toujours eu l’âme combattive et persévérante. Je n’investis corps et âme quand je suis convaincue d’une action mais mes actions discrètes étaient réduites au niveau de mon entourage.
Les projets touristiques, à titre d'exemple, sont en pleine expansion. Croyez-vous qu'on puisse trouver un compromis entre la protection de l'environnement et l'urbanisation ?
Bien sûr qu’on peut trouver des compromis. J’ai pour principe que pour tout problème bien posé, il ya une solution, ce que vous avez qualifié de compromis. Il suffit de faire participer tous les responsables qui sont impliqués et de les impliquer mais avant tout il est utile de les former. Il est intéressant de respecter également une démarche logique de résolution de problème. Vous savez que c’est un module qui est enseigné dans nos écoles. Alors pourquoi ne pas l’appliquer ?
Je suis confiante dans les compétences et les moyens requis pour trouver de tels compromis que ce soit pour les projets touristiques ou l’urbanisation des villes.
Il suffit aussi de se référer aux expériences des Allemands qui sont les précurseurs dans ce domaine. Nous avons une étroite collaboration avec le gouvernement allemand ; et on peut tirer profit de notre proximité avec les pays européens.
Si l’on ne prend pas garde face des défis, nous serons victimes du développement rapide que connait la Tunisie, et qui pourrait nuire à nos richesses naturelles. On risque de prendre des décisions qui s’avère erronées, par exemple à Sfax avec l’insatalation de l’usine MPK ; il a fallu dépenser un budget colossale appelé Projet Taparura pour remédier aux erreurs du passé. Ces erreurs seront difficiles à y remédier. J’ai toujours en tête cette citation faite par Michel Gelliberti, recueilli sur son mur sur Facebook "Le travail de l'homme, depuis des lustres, c’est de détruire la terre qui l'a vu naître ». Un homme avertis de ses propres défauts en vaut deux.
Quel avenir pour "SOS Guengla" afin de donner plus de poids à vos réclamations ? Envisagez-vous des alliances ?
La voie que nous allons empreinter pour S.O.S GUENGLA, c’est la voix de la culture. Je ne souhaite pas donner à la cause S.O.S GUENGLA une autre étiquette que celle-là. C'est l'avenir dévolu à cette cause. La culture est le meilleur vecteur pour faire changer les comportements.
La cause tente de résoudre un problème qui est essentiellement un manque de sensibilisation des bienfaits de la nature et des vertus des eucalyptus, il est primordial pour « S.O.S Guengla de mener un combat contre l’ignorance, d’instruire chez tout citoyen cet amour et ces valeurs que mes maitres d’école m’ont transmis. Le reste se fera tout naturellement . Nous avons besoin d’une révolution culturelle qui doit se faire à travers des actions de sensibilisation qui seront menées par les amoureux de la nature: Des actions de street marketing sont entrains d'être conçus à cet effet et un grand événement culturel pourrait aussi voir le jour si le Maire et les autorités compétentes nous y autorisent.
Nous sommes tenus de créer une structure officielle, une association afin de pouvoir financer et mener de telle opération. Si la structure ne voit pas le jour , on se contentera d’organiser des sorties nature pour sensibiliser les enfants, participer à des actions de défense de l'environnement à l’instar des actions menées « plages propres ». J’ai en mémoire des actions vécues pendant mon enfance grâce aux Sœurs de l’Ecole des Sœurs de Menzel Bourguiba (connues sous le nom de Babassate) : une tradition, « la classe verte », était organisée pour les enfants. C’était un cours assuré dans la nature et qui avait pour objectif de nous faire connaitre la diversité des plantes et se familiariser à la nature. Je leur rends un grand hommage. Que Dieu ait leur âmes.
Je voudrais faire un appel à nos artistes, photographes, cinéastes ou autres qui souhaiteraient nous aider à monter un film documentaire sur la richesses des eucalyptus en Tunisie par ville, par quartier... avec des témoignages de spécialistes (médecins, archéologues..) sur les dangers que nous encourons si l’on continue à élaguer les eucalyptus d’une manière sauvage et sans savoir-faire. Nous avons tous les moyens pour le faire, le ministère de la culture en collaborant avec ses diverses structures étrangères, peuvent financer de telle actions, on peut même faire contribuer le citoyens pour monter de tels projets. Nous avons 3550 adhérents qui ne refuseront pas de participer au financement.
On vise à ce que tout les Tunisiens aient ce soucis de la protection de la nature et surtout de le traduire dans des comportement au quotidien.
Votre mot aux femmes tunisiennes qui voudraient soutenir votre cause ?
Je m’adresse à toutes les femmes quelque soit leur engagement, sans exclure celles qui sont indifférentes à la cause : Il est de nos jours plus que nécessaire de communiquer à vos enfants certaines valeurs entre autre le respect de la nature. Ces femmes ont une noble mission qu’est l’éducation des enfants. Je les supplie de ne jamais déléguer cette noble mission à autrui même si elles doivent payer le prix de leur liberté. Parce qu’au final, c’est de la qualité de vie de leurs enfants qui est menacée.
Il est nécessaire de suivre les traces de nos grand-mères qui ont été des "écolos" et précurseurs dans le respect de la nature. Elles ont aussi contribué, par la transmission des valeurs du respect de la nature, à la création de S.O.S GUENGLA. Cette cause leur rend aussi hommage, je fais allusion surtout à ma grand-mère maternelle qui n’a jamais connu l’école, et qui pourtant était un cas d’école pour son dévouement à la nature.
Propos recueillis par Tounsia 4Ever © 2008 - 2010
Le 8 mai 2010