Les étapes de la vie du couple (2) : La lutte pour le pouvoir
Par Myriam Besbes :
Mais voilà que votre corps et votre tête se sont accoutumés aux effets de la phényléthylamine et des endorphines. Vous êtes toujours heureux, heureuse, mais l’intensité de votre bonheur s’est atténuée et vous revenez progressivement sur terre.
Surprise, vous vous rendez compte que votre prince charmant se conduit parfois comme un goujat, que votre princesse charmante sort de plus en plus régulièrement ses griffes, ses critiques et sa haute voix.Vous prenez conscience de la vraie personne dont vous êtes amoureux.
Vous entrez dans la deuxième phase de votre relation de couple : la lutte pour le pouvoir. L’anxiété et l’insécurité de la séduction et de la passion vous forçaient à vous montrer sous votre meilleur jour ; la sécurité de votre bonheur et la certitude que l’autre vous aime vous permettent de vous laisser aller et de vous montrer sous votre vrai jour. Vous ne faites plus semblant, vous êtes vous-mêmes et vous commencez à dire et même à exiger ce que vous attendez de votre relation de couple. Vous l’aviez déjà dit, mais l’autre vous admirait et n’a pas réellement entendu ce que vous disiez. S’il est vrai que l’amour est aveugle, il rend aussi sourd.
C’est alors que vous vous rendez compte que l’autre ne partage pas tout à fait vos points de vue sur les loisirs, l’argent, le choix de la maison, la répartition des tâches ménagères, le nombre et l’éducation des enfants, les ami(e)s, le type et l’endroit de vos vacances, le choix des films… en fait, la façon d’aimer et de s’investir dans le couple.
Vous vous rendez compte qu’il met l’accent sur sa carrière, alors que vous voudriez qu’il s’occupe davantage de la famille. Vous êtes méticuleuse, il laisse tout traîner. Vous adorez les argumentations serrées, elle met de l’émotion partout. Vous aimez les grands rassemblements de famille, il préfère aller au café ou au foot avec ses amis. Vous aimez lire votre journal le matin, elle a toujours quelque chose à vous reprocher. Vous aimez les téléromans ; il préfère les émissions sportives. Il projette une retraite dans le sud ; vous préfèreriez être près de vos petits-enfants. Ainsi de suite.
Cette lutte pour le pouvoir est inévitable et même nécessaire. C’est cette lutte qui permet de savoir à qui l’on a affaire et qui nous permet d’affirmer nos besoins et attentes face au couple. Cette lutte amène les deux partenaires à se situer l’un par rapport à l’autre. Malheureusement, la majorité des couples s’enlise dans cette lutte et s’engage dans des impasses :
« Si tu m’écoutais aussi quand je te parle. »
« Toi et ta maudite famille ! Vous êtes tous pareils. »
« Si t’arrêtais de critiquer !. »
« Si tu ne remettais pas toujours tout à demain. »
« Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour me retrouver avec toi? »
« On dirait que tu le fais exprès. »
« Je te l’avais bien dit. »
« Tu les (en parlant des enfants) laisses toujours en faire à leur tête. »
« Tu n’as qu’à t’en occuper un peu plus (des enfants). »
« Tu veux toujours avoir raison ».
« De toute façon, tu ne comprendras jamais rien ».
« Bon, c’est reparti ! »
« C’est ça, va-t-en ! »
Ces paroles vous sont familières. Ne vous en faites pas, vous êtes normaux. Nos deux amants intimes et passionnés deviennent, lors de cette phase, deux ennemis intimes. Tous les deux s’aiment et veulent continuer de s’aimer, mais les frictions sont de plus en plus nombreuses. Ces frictions sont dues aux différences existant entre les hommes et les femmes, aux différences existant entre cet homme particulier et cette femme particulière ; elles sont aussi dues à nos attentes frustrées face à la vie de couple et au paradoxe de la passion, la coexistence du besoin de fusion passionnelle et du besoin d'autonomie.
À ce stade, se joue l’avenir du couple. Plus de la moitié des couples divorceront et beaucoup répèteront la même dynamique avec un nouveau partenaire. Trente pour-cent 30 % des couples se résigneront, développeront une relation de couple déséquilibrée, se feront une guerre entrecoupée de périodes d’accalmies (sursaut de production de phényléthylamine) et rechercheront des compensations dans le travail, la famille ou ailleurs. À peine 20 % des couples réussiront à transformer cette lutte inévitable pour le pouvoir en partage du pouvoir, troisième étape de la vie de couple.